Un plus aux besoins objectifs de qualifications
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Le contexte actuel invite les employeurs à participer plus activement à la formation de leurs ressources humaines. Cette responsabilité additionnelle peut se révéler bien plus avantageuse qu’on peut le croire aux premiers regards.
Les modèles traditionnels ne suffisent plus pour combler l’explosion de besoins de formation pour les entreprises. L’offre académique standard doit être complétée par des formations complémentaires, souvent spécifiques à des machines, à des robots, à des logiciels ou à des techniques de travail plus complexes et spécifiques. D’ailleurs, les besoins de formation ne se limitent plus qu’aux seuls ateliers de production. Maintenant, c’est l’ensemble des employés qui sont appelés à suivre des formations pour répondre aux exigences actuelles du marché.
Reconnaissance de compétences spécifiques, rétention et polyvalence des employés
En situation de rareté de la main-d’œuvre, les entreprises ont avantage à développer un système de certification de compétences qui leurs soit exclusifs. La reconnaissance interne d’une compétence spécifique est difficilement transférable d’une entreprise à l’autre. Cet état de fait peut contribuer à la rétention des employés compétents ou à fidéliser les travailleurs temporaires déjà formés. La valorisation de la formation spécifique par une forme de certification interne, réduit le principal vecteur de roulement (externe) de personnels. C’est-à-dire, la recherche d’avancement chez un autre employeur.
La certification interne est aussi un incitatif au développement de la polyvalence des travailleurs qui ne sont pas toujours très enthousiastes à se soumettre à l’exercice. La polyvalence des travailleurs est maintenant essentielle pour assurer la stabilité des activités productives, particulièrement dans les PME. Paradoxalement, pour plusieurs travailleurs, la formation nécessaire à la reconnaissance des compétences est perçue comme une tactique menaçante pour leur sécurité d’emploi. Avouons qu’il y a des précédents… Mais une partie des résistances du milieu pourraient se dissiper par une participation élargie, en intégrant une « politique de promotion horizontale » à un programme de formation et de certification interne.
La promotion horizontale est une pratique courante dans les entreprises. Elle se définit comme la modification d’un statut de poste d’un même groupe hiérarchique ou groupe de fonctions. En d’autres termes, pour un même poste de travail, en se qualifiant sur une compétence additionnelle, un travailleur se voit promu à un statut supérieur à ce qu’il serait s’il n’avait pas cette compétence. Prenons l’exemple d’un groupe de travailleurs d’entrepôt qui ont tous le statut de « journalier » et dont les tâches nécessitent parfois l’utilisation de chariots élévateurs. Dans ce cas, seuls les détenteurs d’un certificat de cariste en règle pourraient opérer les chariots élévateurs, lorsque cette machine-outil est nécessaire. Ces travailleurs conserveraient donc le titre de « journalier », mais avec un statut distinctif du genre « journalier classe 2 », qui est habituellement accompagné d’une légère prime salariale.
La certification interne dans une PME
La certification interne des compétences n’a pas nécessairement besoin de justifications ou de reconnaissances officielles externes. Compte tenu des objectifs de la certification, que ce soit pour la rétention de sa main-d’œuvre ou pour garantir une qualité de production ou de services, une reconnaissance institutionnelle n’est pas essentielle (bien qu'elle soit possible). L’entreprise présente des standards de qualité qu’elle définit par elle-même, pour elle-même et qui n’engage que sa propre réputation.
Ceci dit, une politique de promotion horizontale issue d’un programme de formation passe assez facilement le test de légitimité légale, même dans un contexte syndiqué. Il y a généralement communauté d’intérêts dans la santé de l’entreprise et dans l’avancement de ses employés... Les difficultés apparaissent plutôt sur le terrain, au niveau d’une résistance du milieu de travail, surtout chez les plus anciens travailleurs. Or, sans ouverture de leur part, la participation est menacée et, dans ce cas, même le meilleur programme de formation qui soit est voué à l’échec.
Soulignons que la crédibilité d’une certification repose d’abord sur un processus sérieux de reconnaissance d’équivalence et de standards de fiabilité comparables. En d’autres termes, tous le monde est concerné et tous doivent s’y soumettre, même les travailleurs d’expérience. Comment leur faire accepter l’idée si ce n’est qu’en les impliquant directement dans la définition des besoins et des plans de reconnaissance des compétences nécessaires à la certification ?
La participation comme tactique d’intégration
La certification interne des compétences est à considérer dans une perspective plus large qu’un cumul de « micro-formations » sur l’utilisation de machines-outils. Cela, surtout lorsque la formation est réglementée et générique, comme dans l’exemple précédent du poste de « journalier », pour l’utilisation du chariot élévateur (… la loi exige une licence en règle ! Règlement sur la santé et la sécurité du travail, article 256.3 ).
La certification interne et la formation la validant doivent concerner le poste de travail spécifique et ses particularités, dans le cadre de l’activité productive de l’entreprise. C’est-à-dire en considérant autant les outils utilisés, les tâches et opérations, les procédures et standards de production du poste concerné, dans le contexte exclusif de l’entreprise. Dans le même ordre d’idées, rappelons qu’un travailleur diplômé d’un programme général de formation (institutionnel) n’est pas automatiquement compétent ou productif sur un nouveau poste de travail.
Une formation particulière au poste de travail est donc nécessaire et c’est là que la référence et la correspondance au milieu est la plus importante. Un programme « imposé par le haut » paraît « extérieur au milieu » et sera souvent rejeté dès le départ. L’implantation d’un programme de formation - comme tous changements dans une organisation - est menaçant pour les acteurs en place. En ouvrant la définition, le développement et même l’encadrement de ce programme aux employés, on permet au milieu « d’apprivoiser la menace », puis de se l’approprier plus facilement.
Cette ouverture à la participation élargie n’est, par conséquent, ni extravagante, ni altruiste de la part des dirigeants de l’entreprise. Il s’agit d’une technique réfléchie d’intégration qui vise une meilleure adéquation du contenu des compétences nécessaires à la certification avec les besoins réels de l’activité productive. En plus de renforcer le sentiment d’appartenance de l’ensemble des travailleurs (même ceux qui ne participent pas directement), cette approche GRH accomplit l’objectivation (l’acceptation) du processus de certification auprès de tous les employés.
Cautionnement de la certification
Pour avoir une valeur supérieure à une simple attestation de participation, la certification sur un poste de travail doit représenter la maîtrise effective d’un ensemble de compétences spécifiques. Son contenu se défini évidemment par les directives et procédures établies par l’entreprise. Mais le contenu de formation doit aussi tenir compte des normes et standards de production développées et soutenus sur le terrain par les occupants habituels du poste, par les travailleurs en lien avec ce poste et leur supervision.
La formation, c’est le processus de transmission de ces compétences, de ces standards de production et de ces normes de comportements aux futurs occupants du poste. La certification confirme donc l’atteinte de cet objectif de formation, selon les normes reconnues par l’entreprise et les règles ou pratiques non dites, non écrites, mais bien réelles du milieu de travail. Le récipiendaire d’un certificat de compétence est, suivant ce schéma, reconnu à la fois par l’entreprise et accepté par ses pairs.
Cela dit, la reconnaissance des compétences suppose la validation des normes et standards auprès de l’ensemble des travailleurs qualifiés sur le poste. Cette réciprocité de validation implique donc les anciens occupants ou les occupants occasionnels qui devraient aussi se soumettre à une réévaluation périodique, pour le renouvellement de leur certificat de compétence. Cette requalification périodique peut, par exemple, se résumer à un examen de contrôle à la suite d’une révision des modifications apportées au poste, depuis la dernière évaluation du candidat.
La certification comme processus de reconnaissance d’équité et de fiabilité
Après avoir évalué les gains de productivité directement liés à la formation, la valorisation de la certification interne est à apprécier comme un retour additionnel sur l’investissement. Considérons seulement les économies générées par la polyvalence opérationnelle des travailleurs, cumulées aux économies en frais de remplacement (grâce à la rétention de la main-d’œuvre), pour comprendre que ça représente déjà des montants considérables, même dans une PME. .
La certification interne est nécessairement exclusive à l’entreprise qui la décerne. Elle englobe l’ensemble des compétences minimalement exigées par l’entreprise pour les occupants d’un poste de travail spécifique. Ce qui inclut d’ailleurs les diplômes, certificats, licences ou autres formations préalables ou obligatoires, données par des institutions externes. Enfin, pour confirmer le caractère exceptionnel de la certification interne, le contenu de formation doit tenir compte des réalités terrain et être signifiant pour les acteurs qui y évoluent.
L’entreprise a donc intérêt à développer et entretenir la valeur des certificats de compétence qu’elle accorde à ses employés. La crédibilité recherchée vise d’abord ses propres travailleurs et c’est pourquoi la reconnaissance, l’équité et la fiabilité devraient marquer l’ensemble d’une démarche sérieuse de certification. Ces valeurs consolident l’édification d’un programme de formation inspirant le respect et la notoriété pour tous et toutes.
L’auteur, Daniel Rondeau, est un consultant en gestion stratégique des organisations. Il se spécialise dans l’implantation de programme de gestion des compétences. Il conseil et forme les intervenants en formation pour les RH des PME québécoises et sur la gestion de l’intelligence globale de leur entreprise.
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