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Le recours à la technique du compagnonnage pour la formation de nouveau travailleurs est la plus ancienne et toujours la plus répandues à ce jour. On croit souvent à tort que c’est la meilleure méthode; c’est la plus simple, c’est la plus rapide et donc, que c’est la plus économique pour former du personnel. Si rien n’est moins certain sur ces points, nous pouvons au moins dire que c’est surtout l’approche la plus facile et que c’est ce qui justifie sa popularité.
Pour plusieurs employeurs, le concept de formation se présente de la manière suivante : les nouveaux employés sont confiés aux chefs de services par les responsables RH. Les chefs de services mandatent ensuite leur meilleur élément à « former » les nouveaux, en supposant logiquement que ces nouvelles recrues deviendront plus rapidement aussi performantes que leur « formateur ».
Dans les faits les travailleurs les plus performants n’ont pas nécessairement le goût, l’intérêt ou la capacité objective de transmettre leur savoir-faire à de futurs « compétiteurs » dans leur milieu de travail. D’ailleurs, les meilleurs éléments d’une organisation sont souvent reconnus comme tel grâce à des « trucs de production » ou à des méthodes de travail qui s’écartent des règles obligatoires auxquelles leurs collègues se soumettent pourtant.
À défaut d’encadrement, nous parlons alors plus d’un entraînement que d’une formation à proprement parler. Tout repose sur un personnel qui amène ses apprentis à reproduire les gestes qu’il pratique -ou qu’il devrait pratiquer- lui-même. Ce dernier inculque donc peut-être aussi ses erreurs, parfois des omissions -volontaires ou non-, souvent quelques pratiques « interdites », sans qu’il y ait de vérifications ou même de contrôles ultérieurs.
Certes, l’entraînement des apprenants est une partie importante de la formation.
Cependant, la formule du compagnonnage décrite précédemment n’est pas comparable à celle des anciennes guildes de métiers qui répondait à des règles et des traditions strictement encadrées pour la transmission des savoirs et la reconnaissance des acquis de compétences. La formation ne doit pas se résumer à un bref entraînement uniquement basé sur l’opinion aléatoire d’un pair ou sur l’atteinte de performances ou de standards de production.
Au minima, une formation digne de ce nom nécessite un devis de formation qui identifie au moins les savoirs à acquérir, les moyens de transmission et des critères d’évaluation d’acquisitions de compétences. Bien entendu, cela nécessite un travail de réflexion et de conceptualisation auquel les entreprises ne semblent pas toutes très disposées à y consacrer l’effort nécessaire. Surtout s’ils considèrent l’entrainement comme la forme la plus achevée de la formation dans leur organisation.
Les employeurs n’ont généralement pas le réflexe de lier la motivation des RH, le manque de compétences, les erreurs de production, les bris de machines/outils, l’attrition de personnel ou pire les accidents de travail aux économies qu’ils considèrent avoir faites en amont, au moment critique de la « formation ».
Sans repères et en présupposant que l’entraînement reçu était adéquat et suffisant, il est certainement difficile d’identifier les lacunes de formation comme fautes originelles à l’analyse de ces problématiques subséquentes. Pourtant les coûts liés à une seule de ces conséquences possibles sont tellement plus importants qu’on ne doit pas parler d’aucune économie réelle! Cette forme de compagnonnage, tout bien considéré, c’est plus facile mais aussi bien plus risqué…
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